Co-signé par près de 200 sénateurs, le texte transpartisan sur l’assurabilité des collectivités locales a été sans surprise adopté à l’unanimité. S’appuyant, d’une part, sur les conclusions de la mission pilotée en 2023-2024 par le sénateur Husson, et, d’autre part, sur certaines recommandations de la mission Chrétien-Dagès, la proposition de loi vise à introduire dans la loi un certain nombre de mécanismes qui pourraient apporter un début de réponse aux difficultés croissantes que rencontrent les collectivités pour s’assurer.
Après son passage en commission et en séance publique, le texte initial a été quelque peu modifié, mais son esprit reste le même. Il ne contient pas de mesures réellement contraignantes pour les assureurs, mais place tout de même les tarifs pratiqués par ceux-ci sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’objectif du texte est de favoriser la médiation : il ouvre aux collectivités et aux EPCI la possibilité de recourir à un médiateur public en cas de « litige qui l’oppose à son assureur ».
Le texte initial prévoyait que le recours à un dispositif de médiation suspendait la prescription de deux ans après le sinistre figurant dans le Code des assurances. Les sénateurs ont finalement supprimé cette disposition. Ils ont en revanche conservé la possibilité pour une collectivité, après « deux procédures infructueuses », de « bénéficier d’un accompagnement dans sa recherche d’assurance » – accompagnement dont les modalités seraient définies par décret.
Autre disposition prévue par le texte, qui ne fera pas forcément plaisir aux élus : il est prévu que tous les contrats d’assurance aux biens souscrits par les collectivités et les EPCI soient soumis à une franchise, à compter d’un an après la publication de la loi. Cette disposition vise, selon ses auteurs, à « responsabiliser » les collectivités et améliorer « leur gestion des petits risques ». Ce dispositif de franchise obligatoire existe déjà pour le risque catastrophes naturelles.
Plus novateur est le chapitre III du texte, qui étend aux « émeutes et mouvements populaires » l’actuelle dotation de solidarité aux collectivités touchées par des événements climatiques ou géologiques. Cette dotation prendrait désormais le nom de « dotation d’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs », et entrerait en vigueur au 1er janvier prochain.
Le texte donne des définitions précises : constitue une émeute « tout rassemblement de personnes accompagné de violences et dirigé contre l’autorité en vue d’obtenir la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales » ; et constitue un mouvement populaire « tout rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l’ordre public ».
Il deviendrait désormais obligatoire pour les assureurs de couvrir les dommages résultant de ces émeutes et mouvements populaires. La proposition de loi dispose clairement qu’un assureur qui refuserait de couvrir une commune sur ce risque s’expose, en cas de maintien de son refus, au retrait de son agrément.
Le financement de cette couverture sera – comme c’est le cas pour le fonds CatNat ou le Gareat qui couvre le risque terroriste – financé par la mutualisation , c’est-à-dire une « cotisation additionnelle » payée par l’ensemble des assurés. Le taux de cette cotisation sera défini par arrêté « pour chaque catégorie de contrat ». Ces cotisations additionnelles devraient alimenter un fonds similaire au Fonds Barnier, baptisé « fonds de gestion des risques d’émeutes et de mouvements populaires », et serait plafonné à 1,5 milliard d’euros par année civile.
En cas d’émeute, les choses se passeraient de la même façon que lors des catastrophes naturelles : la commune devrait faire une « demande de reconnaissance d’émeute ou de mouvement populaire d’intensité exceptionnelle », qui serait acceptée ou non, par arrêté ministériel. Seule la publication de cet arrêté permettrait de toucher une indemnisation par le fonds de gestion des risques d’émeutes.
Ces dispositions ont fait l’objet d’un débat au Sénat, certains sénateurs s’opposant à ce qu’une partie du produit de la cotisation additionnelle soit versée aux assureurs et plaidant pour la création d’un opérateur public. Il y a en effet matière à réflexion sur le fait que les assureurs puissent thésauriser le produit de ces cotisations en attendant d’indemniser les éventuelles victimes, ou pas, s’il ne survient pas d’émeutes. C’est ce qui se passe pour le Gareat, le fonds « terrorisme » financé par l’ensemble des assurés mais dont le produit, en l’absence d’attentats, est gardé par les assureurs qui ne se privent pas de spéculer avec.
Plusieurs sénateurs ont dénoncé un dispositif qui vise « en catimini » à restaurer la rentabilité des assureurs dans ce secteur. Néanmoins, le texte proposant plusieurs avancées utiles, aucun sénateur n’a voté contre, une vingtaine d’entre eux s’absentant seulement.
Le texte doit maintenant être débattu à l’Assemblée nationale. Cela devrait prendre un certain temps : la proposition de loi n’est pas à l’ordre du jour de la session ordinaire, qui prendra fin début juillet, et ne figure pas non plus parmi les textes qui seront débattus pendant la session extraordinaire de juillet.
Franck Lemarc pour Maire-info, article publié le 16 juin 2025.
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